HOMMAGES À NOS CONFRERES  décédés en 2015

 

 

Hommage à Roger Dérieux, peintre

 

itinéraire ardéchois

 

 

 

 


Roger Dérieux est né à Paris en 1922 d'un père poète et d'une mère écrivain et musicienne. De vieille famille ardéchoise par celle-ci, il découvre de très bonne heure la propriété maternelle à Saint-Martin-de-Valamas. Il a tout juste six mois en effet lorsqu'il séjourne pour la première fois au château de Lavis, austère bâtisse dont la partie la plus ancienne a été construite sur un rocher dominant les eaux de l'Eyrieux.

Cette belle demeure familiale joue par la suite, confie-t-il, un rôle important dans sa carrière comme dans sa vie. S'il a passé le tout début des années 1940 dans le sud de la France où il rencontre Maeght, Bonnard, et devient l'élève de Picabia, il est venu à Saint-Martin et y a habité seul de juin à septembres 1941 “cette période a marqué le début de ma vie de peintre, j'ai commencé à cette époque à travailler sur des paysages ardéchois”. De cette époque parmi bien d'autres Saint-Martin au printemps * et la ferme en Ardèche*... C'est la période figurative de Roger Dérieux “mais avec une figuration transposée, personnelle sous le signe de la couleur et de la lumière. Pas réaliste mais plutôt poétique...”

A la fin de la guerre il s'installe à Paris où il fréquente dès 1945 l'Académie de la Grande Chaumiène puis en 1947 l'Académie d'André Lhote et les cours de dessin de l’École de la ville de Paris. En 1950 deux événements importants : il est invité à une exposition d'art français à Copenhague parmi plus de 45 artistes (Braque, Dufy, Léger, Matisse, Soulage...) et ses œuvres y sont remarquées, et il se marie. Il multiplie désormais les séjours à l'étranger et les expositions mais le couple vient régulièrement en Ardèche où l'artiste aime à venir travailler l'été. Sa peinture évolue. Son œuvre devient de moins en moins figurative “la démarche qui m'a amené des nombreux paysages que j'ai peints pendant pas mal d'années à une simplification de ma peinture et à la série des villes, qui sont devenues de plus en plus allusives, a procédé d'un désir évident d'abandonner une figuration qui me paraissait à la fois un peu facile et anecdotique, pour une expression plus pure, plus dépouillée, plus proche de ce qui m'a paru l'essentiel c'est à dire “le pur domaine des valeurs plastiques”. Une expression abstraite, plus personnelle, plus intime, proche d'un langage musical. En un mot la figuration m'a paru peu à peu obsolète et dépassée pour moi, après un long compagnonnage avec elle. J'ai eu envie de traduire autrement les émotions que me procuraient et me procurent toujours, le spectacle du monde”. De cette époque "Plateau ardéchois" 1976, "Haute Ardèche Bleue" 1978 ...

L'Ardèche reste très importante pour Roger Dérieux et c'est à Saint-Martin qu'il se réfugie plusieurs mois à la mort prématurée de sa première épouse. Il se remarie en 1982 et décide alors d'essayer de passer au moins six mois par an en Ardèche. De 1986 à 2006 Roger et Anne Dérieux vivent donc la moitié de l'année à Saint-Martin avec un engagement dans plusieurs associations ardéchoises, Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de l'Ardèche, Amis de Rochebonne, Amis du Mézenc, Association Culturelle des Trois Vallées à Saint-Martin-de-Valamas. Roger Dérieux entre à l'Académie des Sciences, Lettres et Arts de l'Ardèche dès sa refondation.

C'est pour le peintre la période des collages. L'Ardèche disparaît de sa peinture dans “passage d'un oiseau2 publié en 2005 il explique " si depuis plus de vingt ans maintenant, j'ai cessé de la représenter, l'Ardèche est toujours dans mon esprit et devant mes yeux avec sa lumière, ses lumières devrai-je dire...” et un peu plus loin “je travaille dans le cadre d'une vieille maison inscrite dans ce pays de rochers, de pins, de châtaigniers. J'ai cessé de peindre ces paysages et mon travail peut paraître un peu décalé par rapport à ce qui m'entoure mais c'est pour moi une évolution normale qui m'a amené à la découverte du collage et m'a permis d'abandonner une figuration qui ne correspondait plus à ce que je souhaitais faire depuis longtemps, en m'ouvrant des chemins de création libre qui me paraissent essentiels aujourd'hui”. Liberté du peintre mais aussi de l’œuvre : ”j'ai parfois l'impression que l’œuvre se fait toute seule, elle me surprend tandis qu'elle se découvre”3.

Cette période où l'Ardèche disparaît de la peinture de Roger Dérieux est paradoxalement celle où le département s'approprie son œuvre. Les expositions s'y multiplient : rétrospective au Château-musée de Tournon-sur-Rhône en 1990, médiathèque de Privas en 1997, Musée Vivarois César-Filhol pendant l'été 2001 avec un très beau catalogue, exposition au Cheylard avec présentation du film ”Roger Dérieux peintre” réalisé à Saint-Martin par Serge Steyer, à Saint-Martin-de-Valamas ... Enfin en 2005, à la Fabrique du Pont-d'Aleyrac à Saint-Pierreville, une centaine d’œuvres sont présentées ainsi qu'un petit ouvrage regroupant un texte “Passage d'un oiseau”, écrit par le peintre, dédié à sa femme Anne, et sept lettres de Francis Ponge à l'auteur.

En France et à l'étranger plus de 60 expositions personnelles et plus d'une centaine d'autres, collectives, ont présenté depuis 1950 les œuvres de Roger Dérieux. Il a illustré une quarantaine de livres, est l'auteur, textes et dessins de trois ouvrages dont Carnets du Vivarais en 1986 et Passage d'un oiseau en 2005. La monographie de Jean-Pierre Huguet consacrée au peintre1 “Roger Dérieux, voir dans l’œil des chats” avec plus de 200 reproductions rend aussi hommage à la longue carrière d'un peintre longtemps présent dans notre département.

                                                           

                                                                    Françoise Adam-Michel, Directrice honoraire de la Médiathèque de Privas.


* Œuvres reproduites dans « Roger Dérieux voir l'heure dans l’œil des chats »

1    1- Roger Dérieux voir l'heure dans l’œil des chats. Saint Julien Molin Molette, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2009

2    2- Roger Dérieux : Passage d'un oiseau suivi de sept lettres de Francis Ponge à l'auteur. Fabras, Éditions du Pin, 2005

3    3-  Roger Dérieux voir l'heure dans l’œil des chats p :137

 


 
 

 

 




  

 




  

 




  

 





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